OnlyFans : circulez, y’a (bientôt) plus rien à voir !
Au revoir le beurre, l’argent du beurre et le cul d’la crémière.
Une bombe s’est écrasée dans le petit monde du travail du sexe, jeudi 19 août : à partir du 1er octobre 2021, la plate-forme britannique OnlyFans (OF) n’hébergera plus de contenu « sexuellement explicite » selon le communiqué de presse diffusé.
En clair : oui à l’érotisme, non à la pornographie.
Seules les photos et vidéos de nu seront autorisées, à côté des productions plus conventionnelles (musique, coaching, etc.). A condition de respecter les nouvelles règles d’utilisation à venir, dont les grandes lignes restent encore à définir et sur lesquelles OF a promis de communiquer.
Mais en clair : oui à l’érotisme, non à la pornographie. Incompréhensible. OnlyFans ayant justement bâti sa popularité grâce à la pornographie, avec un gros boom d’activité durant les confinements imposés par le Covid-19. Un peu comme si Decathlon renonçait à vendre des articles de sport, m’voyez ?
Pour les sex-workers hébergé(e)s sur OF, c’est la douche froide. Comment compenser la perte de revenus ? Vers quelle plate-forme migrer et comment y rapatrier/fidéliser les clients ? Si la communauté est malheureusement habituée à être malmenée, et à trouver des solutions pour s’en sortir, nul doute certain(e)s TDS resteront sur le carreau. Deux mois pour faire face à pareille situation, c’est compliqué. Quant à celles et ceux qui auraient tenté d’entrer en contact avec le site pour obtenir plus de précisions, c’est peine perdue.
L’ombre de MasterCard
A qui profite le crime ? Le communiqué diffusé par OnlyFans est laconique : « These changes are to comply with the requests of our banking partners and payout providers », traduction : « ces changements sont conformes aux demandes de nos partenaires bancaires et prestataires de paiement. »
Si aucun nom n’est clairement prononcé, il est ici question de VISA, Paypal et… MasterCard, dont la pression ne cesse de s’accentuer sur le milieu du porno depuis deux ans. Pornhub en a d’ailleurs récemment fait les frais.
Or, comme le souligne Numerama, la date du 1er octobre n’est pas choisie au hasard. Elle correspond à l’instauration de nouvelles règles chez MasterCard que la marque compte imposer aux entreprises de vente de contenu pour adultes.
Le groupe, valorisé à hauteur d’un milliard de dollars, peine actuellement à trouver des investisseurs dans sa tentative de levée de fond.
Et elles sont particulièrement strictes : vérification de l’âge et de l’identité des personnes apparaissant dans les photos/vidéos, examen des photos et vidéos avant publication ou encore possibilité pour les personnes apparaissant à l’écran de pouvoir faire appel pour exiger le retrait d’un contenu jugé problématique.
Pour MasterCard, l’objectif est simple : ne pas être associé à la vente de productions illégales, à l'image du revenge-porn ou du trafic d’êtres humains. Or, comme le révèle une enquête de la BBC, OnlyFans connait des lacunes dans la modération des contenus violents et illégaux (zoophilie, pédopornographie, inceste, etc.).
Pour ne pas se soumettre au contrôle sévère imposé par l'enseigne bancaire, les anglais préfèrent donc renoncer au porno. Au risque d’y laisser des plumes : Tumblr avait lui aussi renoncé à ce genre de contenu en 2018, avant de voir son trafic s’écrouler. Raison supplémentaire d'agir ainsi : OnlyFans, valorisé à hauteur d’un milliard de dollars, peine actuellement à trouver des investisseurs dans sa tentative de levée de fonds. Sa réputation d'Instagram du porno n’y étant sans doute pas étrangère.
Mais d’après Gustavo Turner, de chez Xbiz, MasterCard ne ferait que réagir aux pressions politiciennes et religieuses, dont celles d’Exodus Cry, une organisation confessionnelle de lutte contre la traite des êtres humains ou encore du NCOSE (National Center On Sexual Exploitation, un organisme américain antipornographie et aux principes abolitionnistes) qui mènent un véritable combat anti-porno.
Bref, c’est la merde. Mais comptez sur nous pour suivre ce qui s’annonce déjà comme la mauvaise nouvelle de l’année.
Contactés, ni OnlyFans ni MasterCard n’ont encore répondu.
Jonathan Konitz
Mise-à-jour : OnlyFans a annoncé dans un tweet le 25/08 la suspension, et non l’annulation, de sa décision. Le contenu “sexuellement explicite” ne sera donc pas banni.
Dans une interview accordée au Financial Times, le fondateur et CEO d’OnlyFans, Tim Stokely, déclare que cet événement trouve son origine dans les pressions qu’exerceraient trois grandes banques américaines sur la plateforme. Et non dans les nouvelles règles de MasterCard. Plus de détails dans le New-York Post ici (en anglais).