Edito - Parler des droits des travailleur-ses du sexe, c’est parler des droits humains
Alors pourquoi est-ce si compliqué pour les politiques, et ce quel que soit leur genre ?
Sur les réseaux sociaux, les plateaux de radio et de télévision, on (« on c’est un con » me répétait-on souvent, ado, mais assumons) dit souvent donc, que les personnes sont expertes de tout, c’est-à-dire expertes de rien. Et ce qui est juste, c’est que chacun devrait se cantonner à ses domaines d’expertises. Mais s’il y a bien une espèce, une seule, à qui l’on doit accorder d’avoir un avis sur tout, c’est l’animal politique. Car oui, ils et elles ont, ou plutôt se doivent d’avoir... un programme. Ledit programme doit prendre en considération tous les citoyens et citoyennes du pays, dirait-on même, n’ayons pas peur, tous les êtres vivants du pays.
“Qu’en est-il de leurs droits sociaux ? L’accès au logement, aux comptes bancaires, à la protection sociale, la retraite ?”
Alors pourquoi est-ce si compliqué de se positionner sur le travail du sexe ? Pourquoi est-ce facile, semble t-il, de renier, nier, invisibiliser, oublier, ignorer voire mépriser des milliers de personnes dont c’est le gagne-pain ? Depuis des semaines, les TDS et leurs allié-es tentent d’interpeller sur les réseaux sociaux les candidat-es d’EELV. Ce sont eux aujourd’hui, ce sera Hidalgo, Bertrand, Macron et consorts demain. Qu’en est-il de leurs droits sociaux ? L’accès au logement, aux comptes bancaires, à la protection sociale, la retraite ? Qu’en est-il de la loi de pénalisation du client, qui précarise et met en danger chaque jour un peu plus les TDS ? Ils et elles ne cessent de clamer la dangerosité de cette loi, de compter leurs mort-es et de souffrir de la précarité accrue par la pandémie. Ils et elles sont les premier-es concerné-es par leur métier, et il faudrait ignorer leur expertise parce qu’une partie des « féministes » (comment peut-on se prétendre féministe en reniant une partie des femmes et des personnes LGBTQI+, là est l’éternelle question) fait pression pour qu’on ne les écoute pas ?
“Être une femme qui s’engage sur ce sujet c’est prendre le risque de perdre les milliers de voix des féministes abolitionnistes”
À force d’insistance, ces interpellations fonctionnent un peu, des réponses, floues, émergent par-ci par-là, le plus souvent en message privé sur Twitter. Les noob du sujet TDS se diront que ce doit être plus aisé pour les femmes politiques de répondre sur le sujet. Qu’un homme politique qui s’aventurerait sur le terrain du travail du sexe serait bien fou, et se ferait émasculer en place publique virtuelle. Que nenni mes braves gens. C’est mille fois plus casse-gueule pour une femme politique. Mais elle doit le faire. Être une femme qui s’engage sur ce sujet c’est prendre le risque de perdre les milliers de voix des féministes abolitionnistes, majoritaires. C’est prendre le risque de perdre les milliers de voix des travailleur-ses du sexe. C’est prendre le risque de perdre les voix des allié-es. C’est prendre le risque de perdre des milliers de voix anonymes que les indécis-es politiques gonflent au plus haut point. Bref, se lancer dans une campagne c’est prendre des risques, à commencer par celui de déplaire.
“Les travailleur-ses du sexe sont des électeurs et électrices comme les autres, des citoyen-nes comme les autres.”
Donc les politiques bottent en touche. Et donc, il nous faudrait, nous, voter pour quelqu’un qui va diriger 5 ans la 6ème puissance mondiale mais qui hésite, rechigne, tâtonne, renâcle, à prendre position par trouille de perdre des voix ? Pardonnez du peu, mais ça ne fait pas mouiller/bander/insérer ici le terme qui vous convient, de savoir qu’on va donner le levier de vitesse à une personne incapable d’assumer ses convictions, doivent-elles la mettre en porte-à-faux avec une partie d’un électorat qu’elle convoitait.
Les travailleur-ses du sexe sont des électeurs et électrices comme les autres, des citoyen-nes comme les autres. Avec, aujourd’hui, moins de droits que les autres. Ils et elles méritent des réponses, d’apparaitre dans un programme comme des citoyen-nes à part entière. Qu’ils et elles aient choisi leur métier ou non, là n’est pas le débat (stérile). Ils et elles existent.
“Il reste 8 mois les chéri-es pour aboutir à des propositions claires, posées, engagées.”
Mais revenons à nos moutons virtuels et nos questionnements réels. Ici apparaît donc, au gré des messages de différents signataires, un rendez-vous avec les collaborateurs d’une candidate, repoussé bien sûr, ici encore un groupe de travail qui existerait (mais avec qui ? Et où ?), ici une réponse - partielle - d’un candidat dans une revue. C’est déjà ça ? Mais on attend davantage. Un long entretien téléphonique, une fucking visio, une bonne heure à échanger, questionner, triturer le sujet, ou mieux encore, un groupe de travail sur la durée - il reste 8 mois les chéri-es - pour aboutir à des propositions claires, posées, engagées. Car c’est ce qu’on attend des animaux politiques. Et à voir la fougue militante des travailleur-ses du sexe et de leurs allié-es, il va être temps pour les politiques de tous bords de réaliser que plus personne ne saurait aujourd’hui se contenter des miettes.
Elsa Gambin / 20 septembre 2021.