Aide(s) aux TDS pendant la pandémie : le rocher de Sisyphe
Les TDS ont sombré dans une précarité accrue depuis le début de la pandémie. Pugnaces, asso et collectifs n’ont rien lâché face aux ministères sourds ou peu attentifs. Pour un résultat dérisoire.
Le (maigre) salut est venu d’où personne ne l’attendait, du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Sous la forme de chèque services pour de la nourriture, lors du 1er confinement de mars 2020, grâce notamment à la volonté politique de Julien Denormandie et de la DIHAL (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement). Hormis cette aide ponctuelle aux TDS, les différents ministères interpellés depuis 1 an font bien peu de cas du sort des TDS. Le Strass (Syndicat du Travail Sexuel) a pourtant alerté dès le 18 mars 2020 avec un communiqué : « Il est urgent de repenser la solidarité et la protection sociale pour y inclure tous les travailleurs, y compris celles et ceux de l’économie dite informelle ». Le même syndicat a pensé, seul, à coordonner une cagnotte solidaire ainsi qu’un guide pour la survie des TDS en temps de pandémie. Un fonds d’urgence qui aurait dû venir de l’État lui-même.
« Par définition, il est très compliqué pour l’État d’indemniser une personne qui exerce une activité non déclarée telle que la prostitution. » (Cabinet de Marlène Schiappa)
Pas de quoi affoler Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les discriminations. Devant le silence assourdissant du ministère de tutelle des TDS, 18 députés de la majorité vont alors interpeller la secrétaire d’État, réclamant aides financières et matérielles pour les TDS.
Dans la foulée, la Fédération Parapluie Rouge, composée des associations communautaires et de travailleur.se.s du sexe en France, envoie une lettre ouverte au Président. La réponse viendra du cabinet de Marlène Schiappa, qui bottera en touche, délaissant ainsi consciemment une partie des citoyen.ne.s : « Par définition, il est très compliqué pour l’État d’indemniser une personne qui exerce une activité non déclarée telle que la prostitution. » Par la suite, la secrétaire d’État sera plus réactive à répondre aux associations abolitionnistes, usant elle-même d’un vocabulaire faisant état du « système prostitueur et de traites des êtres humains ».
Cette passe d’armes, ironie du sort, se faisant sur fond d’anniversaire malheureux des 4 ans de la loi de pénalisation des clients (2016), qui a précarisé un peu plus les travailleur.se.s du sexe.
Au bout d’un an de bataille, les TDS n’auront donc obtenu qu’une multiplication de rendez-vous, pour la plupart stériles, couplée à des chèques services.
En juillet, Elisabeth Moreno est nommé ministre déléguée à l’égalité femmes-hommes, à la diversité et à l’égalité des chances. Sollicitée par plusieurs associations, dont Aides, Sidaction et Médecins du Monde sur la question des travailleur.se.s du sexe, le ministère reste silencieux. En décembre 2020, un rendez-vous a enfin lieu. Depuis cette rencontre, les associations sont en attente d'une proposition interministérielle afin de répondre aux besoins des TDS.
Fin décembre, la Fédération Parapluie Rouge a également été reçue par le ministère du travail, sur les questions, pour celles et ceux qui le souhaitent, de réorientation professionnelle. Au bout d’un an de bataille, les TDS n’auront donc obtenu qu’une multiplication de rendez-vous, pour la plupart stériles, couplée à des chèques services. Ce « plaidoyer infructueux et épuisant », souligne Eva Vocz, coordinatrice de la Fédération Parapluie Rouge, qui n’a pour simple but que les TDS accèdent aux mêmes droits que tout un chacun, démontre en tout cas que « personne ne veut donner d’argent pour les TDS, pour des raisons discriminatoires et de passe-passe budgétaires». Au-delà du « parcours de sortie » aux aides ridicules, rien n’est actuellement pensé pour ces travailleur.se.s. La politique de l’autruche semble donc de rigueur, plutôt que d’améliorer le quotidien de milliers de travailleur.se.s du sexe.
Lueur d’espoir, notons tout de même que certain.e.s politiques, dont un noyau dur de député.e.s, restent très mobilisé.e.s sur la question des travailleur.se.s du sexe, soulevant ainsi des débats nécessaires au sein des ministères et de l’Assemblée nationale. Puissent leurs voix appeler enfin à une réflexion collective.
Elsa Gambin